J'aime cette réplique de Depardieu dans Buffet Froid (aux alentours de 1:13 dans l'extrait ci-dessous) : "on commence à y voir plus clair".
C'est bien une citation que j'ai envie de reprendre à propos de Wirecard.
Résumé des faits : Wirecard est une société allemande créée en 2002 s'est développée, principalement par acquisition jusqu'à compter plus de 5000 personnes dans le monde et un chiffre d'affaires supérieur à 2 milliards d'euros en 2019.
En Juin 2020, plus précisément il y a quelques jours, des irrégularités de près de 2 milliards d'euros sont découvertes.
Ce désastre financier est notamment bien expliqué dans le blog de Charles Sannat.
A l'issue d'une simple opération de circularisation, les banques des Philippines dans lesquelles Wirecard aurait placé près de milliards d'euros ( en Pesos Philippins !) ont confirmé qu'elles n'avaient aucune relation d'affaires avec la société Wirecard.
Parmi les nombreux aspects de cette affaire, il est deux points que je voudrais approfondir plus particulièrement :
1) La lutte permanente de l'autorité des marchés financiers allemands contre les lanceurs d'alertes.
Comme le souligne l'ensemble des articles la "honte" s'est abattue sur la finance allemande.
Et ce déshonneur est justifié, car au fil des années, il y a eu quantité de lanceurs d'alertes, que non seulement la Bafin n'a pas encouragé, mais qu'elle a combattue.
En 2015, le Financial Times a sortie une série d'articles, sobrement intitulés "The House of Wirecard".
Le 20 Novembre, le journaliste Dan McCrum s'interrogeait sur les entités business en Asie de Wirecard avant de conclure qu'elles étaient réduites à la partie congrue, au mieux.
Le résultat : McCrum a été villipendé , y compris par ses pairs, pendant plusieurs années.
Cette liste n'est que la partie émergée de l'iceberg...
L'article de BFM relate, en abrégé comment la BaFin s'est systématiquement porté au secours de son protégé, en ouvrant des enquêtes à l'encontre des journalistes, en interdisant les ventes à découvert,...
C'est le capitalisme de connivence, que les gens mal informés confondent avec le capitalisme tout court, et qui leur donne, très souvent des envies de néo-communisme.
2) L'ultra-nullité des commissaires au compte, tel qu'exposée de manière plus feutrée dans cet article des Echos, qui se concentre sur Ernst & Young, déjà sous le feu des projecteurs pour NMC Health et Thomas Cook.
Là dessus, et c'est l'objet principal de mon billet, je souhaiterais faire part de ma propre expérience.
Pour ma toute petite société, compte tenu de la création d'une filiale dans un pays lointain, nous avons été amenés, avant que la législation n'évolue à prendre les services d'un commissaire aux comptes, basé à Dijon.
Je savais déjà que cela ne servait à rien pour une société comme la notre : nous n'avions pas de stocks et absolument rien à cacher.
Je me rappelle très bien, en dépit de la très petite taille de notre société (moins de 1 million d'euros de chiffres d'affaires) le zèle de nos auditeurs et leur demande de contrôle sur tout, jusqu'au contenu de notre caisse destinée à payer les opérations courantes (achat de timbres, etc...)
J'avais déjà une conviction forte, qui s'en est trouvée renforcée : pour nos activités de services en B2B, il n'y a rien à cacher, rien à creuser et en dessous d'un certain volume de chiffre d'affaires, le commissaire aux comptes coûte fort cher et ne sert à rien.
Et donc, je ne comprends pas comment une société telle que Wirecard a pu tromper aussi longtemps ses commissaires aux comptes.
J'en conclus qu'elle n'a pas pu les tromper ... Pas s'agissant de 2 milliards d'euros ... Il y a forcément eu des complicités internes ... Des regards qui se sont détournés... Ou alors, ces auditeurs sont des crétins finis ( je n'exclus pas d'ailleurs une combinaison de ces deux hypothèses).
Il y a des années, le scandale Enron avait été la cause principale de la chute du cabinet Andersen.
Je n'imagine pas pourquoi il en irait différemment d'E&Y... Et je ne vois pas pourquoi les Big Four ne deviendraient pas à leur tour les Big Three, ... jusqu'à ce que, comme Highlander, il n'en reste qu'un.
Aujourd'hui, certains s'interrogent sur le fait que Wirecard encourt un risque de faillite : je sais que l'on marche complètement sur la tête, mais honnêtement je ne vois pas comment il pourrait en être autrement.
Comment une entreprise financière dont l'activité est majoritairement basée sur la confiance pourrait-elle seulement espérer survivre ? Cela me dépasse...
Compte tenu de l'ampleur de la fraude, comment se fait-il que le cours qui était à 100 € le 18 Juin soit encore aujourd'hui vers 12,4 € ... et non pas déjà à 0 ?
En tout cas, cela m'a ramené en tête l'opinion de Charles Gave sur les allemands, à laquelle se joint celle de Franck Boizard : en apparence, le mercantilisme des allemands fait merveille et ils apparaissent avant tout comme les maîtres du jeu.
Sur le long terme, ils sont souvent rattrapés par leur manigance et par leur médiocrité stratégique.
On peut aussi penser à la situation de la Deutsche Bank, certainement la banque la plus systémique de la zone euro, avec un potentiel suffisant pour la faire exploser plusieurs dizaines de fois...
Pour le dire autrement : il y a des peuples qui se battent jusqu'à la victoire. Les allemands eux se battent jusqu'à la défaite. Cette situation n'est pas de moi ... Mais j'aurais bien aimé.
Enfin Wirecard, prochainement WeWork (?) ... La liste de ces pseudo-sociétés avec non seulement des pseudos bénéfices mais surtout du pseudo chiffre d'affaire est longue comme le bras.
En bonne logique, nous devrions continuer de vivre des temps intéressants.
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