dimanche 16 août 2020

La voiture autonome, prochain champs de bataille des fabricants de semi-conducteurs


Le marché des semi-conducteurs est en train de frémir à l'approche d'une nouvelle bataille titanesque.

Cette bataille oppose un petit nombre d'acteurs, quasiment tous nords-américains : Nvidia, Tesla, bien entendu le géant des semi-conducteurs, Intel et depuis peu, Qualcomm. 
Il y a d'autres acteurs un peu moins présents, tels que Xilinx, NXP Semiconductors et Renesas.
 
Sur ces sujets de conduite de voiture autonome où il faut prendre en compte en quasi-temps réel un nombre incroyable de paramètres, l'unité de mesure est le TOP (trillion operations per second). 

Intel, justement est l'un de ces acteurs qui m'a conduit à m'intéresser à ce marché. 
Intel est, je pense, globalement frustré de ne pas avoir pu s'imposer sur le marché de la puce pour mobile, dépassé par des concurrents plus agiles tels qu'ARM. 

En 2017, Intel, désireux de reprendre le leadership global a mis la main au portefeuille pour acheter MobilEye, la très discrète société israélienne leader sur ce créneau. Le prix de 15,3 milliards de dollars représente la plus grande acquisition jamais réalisée pour une société israélienne et est un indicateur du côté stratégique de l'opération ( Intel était en compétition avec Nvidia). 

Le nouveau logo de la société MobilEye

MobilEye, créée en 1999, a patiemment créé son offre, brique après brique.

Cette société dispose de plusieurs points forts sur ce ce marché du système de conduite autonome.
D'abord, une solution intégrée et ce point est probablement importante voire essentielle dans la mise en place d'une solution complètement sécurisée. D'ailleurs, c'est ce qui explique que le PDG de Mobileye s'est risqué à prédire une forte consolidation sur ce marché de la puce de conduite autonome.

Le EyeQ5 de Mobileye développé depuis 2017 sera mis à disposition du marché cette année. Il est gravé en 7 nm et présente une enveloppe thermique (TDP) de 10 Watts ce qui est incroyablement peu.
Le EyeQ5 vise clairement les niveaux d'autonomie 4 et 5, qui ne nécessitent plus une participation active du conducteur à la tenue de route. 

L'EyeQ6 est la sixième génération de puces de MobileEye, annoncée en 2018 et qui devrait arriver sur le marché en 2022.

Dernièrement, Mobileye a obtenu des autorités allemandes l'autorisation de faire rouler ses véhicules autonomes sur la ville de Munich et ses environs, y compris sur les autoroutes, à concurrence de 130 km/h.

Mobileye a également conclu un accord au niveau mondial avec Ford, un constructeur automobile : l'accord est significatif en ce qu'il indique clairement que Ford ne voit pas Mobileye comme un concurrent stratégique sur son domaine réservé. 

Le deuxième acteur, Nvidia, après s'être imposé sur le secteur des cartes graphiques, s'est orienté sur les domaines de l'intelligence artificielle et de la conduite autonome, deux sujets intimement liés.

Le dernier modèle annoncé, la plateforme Drive AGX Orin annoncée en Décembre 2019, présente une capacité de computation de 200 TOPS.
Cette architecture utilise la puce Ampère, développée par Nvidia et gravée en 7 nm. 
Par contre, il correspond à une enveloppe thermique de 750 Watts, ce qui est très élevé. 
Mobileye appuie fortement sur le sujet de l'efficacité énergétique, en particulier le rapport TOPS/W qui est clairement en sa faveur. 

Mercedes a récemment annoncé un partenariat avec Nvidia au terme duquel le constructeur allemand va intégrer les puces de la nouvelle plateforme Drive AGX Orin. Mercedes rejoint en cela plusieurs startups issues du monde électrique, telles que  Farady Future, Canoo, Pony.ai,...

Le troisième acteur, Tesla, après avoir dépendu de Mobileye (Intel) puis de Nvidia a finalement annoncé avoir décidé de développer ses propres puces. Il s'est fait vertement recadrer par Nvidia concernant la qualité de ses puces.

Pour moi, le simple fait que Tesla s'entête à vouloir créer ses propres puces de navigation autonome est une erreur stratégique majeure : compte tenu des montants en jeu, ils n'arriveront jamais à lutter sur la durée. 
Bien entendu, pour contrer cela, Musk utilise sa technique habituelle : le vaporware, en promettant à intervalles réguliers des avancées révolutionnaires

Je rappelle que Nvidia, Intel et la plupart des autres mettent leur énergie dans le développement du système de navigation autonome. 

Tesla (tout comme Zoox) souhaite à la fois créer les puces, le système de navigation, les voitures, les commercialiser en direct et assurer le service après-vente : cela n'a pas de sens, dans le monde hyper-concurrentiel dans lequel nous vivons.

J'arrête là, j'ai déjà suffisamment critiqué Tesla... Les marchés financiers ( je veux dire : l'ersatz de marchés financiers) ont décidé que j'avais tort. Mais in fine, le jour où la Fed sera décrédibilisée, tout cela cessera.

Pour Zoox, la situation est un peu différente, puisque cette startup de 1000 personnes a été rachetée au début de l'été 2020 par Amazon pour 1 milliard de dollars. Il s'agit d'ailleurs du plus gros rachat du géant du e-commerce à ce jour. 
Là encore, mon analyse reste la même : Amazon n'a pas les moyens de se battre sur tous les fronts comme il est en train de le faire. Tout cela n'existe que grâce aux largesses de la Fed.
Cette acquisition pourrait faire sens, toutefois, s'il s'agit de développer une flotte de livreurs autonomes chargés de la livraison au niveau du dernier kilomètre. 

D'autres acteurs sont bien sûr présents sur ce marché gigantesque, mais ils sont plus marginaux. Qualcomm, par exemple, a annoncé une puce capable d'une capacité de calcul de l'ordre de 700 TOPs qui devrait être disponible en 2022-2023. 

Je n'ai pas non plus parlé de Waymo (Alphabet), pourtant l'un des plus avancés sur le concept, car d'après ce que j'ai compris, ils utilisent les puces Intel.



Intel (MobilEye), Nvidia, Tesla, Qualcomm, Amazon (Zoox) : il semblerait que les principaux acteurs de la conduite autonome sur le plan des semi-conducteurs soient américains. 
A cela plusieurs raisons, mais une que je considère principale est la capacité financière nécessaire pour entreprendre des projets aussi gigantesques. L'Europe et le Japan n'ont probablement pas cette capacité.

Cet article a mis de côté les constructeurs chinois, mais bien entendu, compte tenu des tensions avec les Etats-Unis et de leurs propres ambitions, ils ne restent pas les bras croisés. 
Il y a même énormément d'acteurs sur ce marché : on peut citer WeRide (financée notamment par Renault, Nissan et Mitsubishi), Pony.ai (financée notamment par Toyota) AutoX et bien sûr Baidu.
Ce n'est pas la première fois que les chinois partent avec du retard sur un marché. Mais justement là, ils n'ont pas trop de retard. 
La conduite autonome n'est pas un sprint, mais une course d'endurance. Et les chinois sont bons en endurance. 



Impossible donc à ce stade de retenir le vainqueur, mais il semble probable que d'ici quelques années, Nvidia et Intel seront toujours dans le quinté de tête. Je n'en dirais pas forcément autant des autres. 

Cet affrontement entre les différents constructeurs promet donc d'être passionnant à suivre. 
Il préfigure une autre bataille peut-être encore plus stratégique : celle du leadership pour le processeur neuronique. 
Sur ce terrain s'affrontent pour le moment 2 acteurs : IBM et Intel (encore lui !)
Mais ce sera l'objet d'un autre article...


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