mardi 27 décembre 2022

Taxation des terres agricoles : une absurdité de plus

Je vis dans un pays dans lequel il semble que toutes les décisions ou presque sont prises en dépit du bon sens. Je m'étonne que tout cela n'ait pas éclaté plus tôt, mais il faut reconnaitre que le système, avec toutes ses imperfections, est très résilient.  

Le Figaro, décidément en veine d'inspiration ces temps-ci pour ce qui est des sujets stratégiques, publie un article concernant la fiscalisation des terres agricoles

Le néophyte sur ce sujet y apprendra en particulier que le fermage est règlementé. C'est un arrêté préfectoral qui fixe le loyer des champs, et je peux vous confirmer qu'il n'évolue pas beaucoup au fil des ans. Cette règlementation trouve son origine dans un désir de relancer l'agriculture datant de 1945, donc juste après la fin de la seconde guerre mondiale 

En parallèle, le coût des terres agricoles est très faible en France : de l'ordre de 6000 € quand il est libre (4500 € quand il est occupé) contre des montants allant de 10 000 € (en Pologne) à 63 000 € aux Pays-Bas. 

L'idée originelle était de relancer l'agriculture et de diminuer le coût d'accès à la terre pour les exploitants agricoles. Ces efforts qui ont pu porter leurs fruits il y a longtemps ne servent absolument à rien aujourd'hui, puisque le prix bas de la terre ne protège en rien les paysans. Toute la valeur ajoutée est plus que mangée par la machine bureaucratique bruxelloise, la compétition mondiale souvent injuste (les normes françaises sont trop contraignantes) et les marges en amont ( producteur d'engrais) et en aval ( grande distribution). 

Aucun de ces éléments n'est nouveau pour moi. J'ai pu acheter des terres agricoles dans le passé. 

On notera au passage que la soi-disant protection de la SAFER n'empêche en rien des intérêts étrangers, notamment chinois de racheter des terres quand ils le souhaitent au moyens de combines financières

La rentabilité de cet investissement dans les champs, entre la taxe de curage, la taxe de fermage, les impôts fonciers est très inférieure à 1%, et dans les faits elle se rapproche plutôt de 0,5%. Je n'ai pas eu le coeur de la calculer précisément. Il se pourrait même que cette rentabilité soit négative.

Et donc, quel est le résultat de ce manque incitatif ? Les terres représentent de moins en moins dans le patrimoine du paysan. Il a moins intérêt à le mettre en valeur et s'oriente fatalement vers une agriculture intensive qui nuit à la biodiversité, comme le souligne l'article du Figaro. 

Bien entendu, une partie de la solution serait de réavantager un tout petit peu les propriétaires terriens, non pas en augmentant le prix des terres, mais en favorisant le retour à une France bocagère, qui a fait le succès de notre pays dans les siècles précédents. Il y a plusieurs façons de le faire, même si l'article n'en parle pas. Ceci dit, tout changement doit impliquer de conserver la terre sur une durée minimale (à mon sens 8 ou 10 ans).  

Les gens qui achètent la terre aujourd'hui, pour des motifs autres qu'agricoles, le font dans l'écrasante majorité des cas avec la ferme intention de rendre le terrain constructible. Ou bien de le couvrir de panneaux solaires. 

Pour les 1% de cas restants, il est clair que l'investissement n'a rien de commercial et que nous contribuons simplement à investir dans ce en quoi nous croyons. Comparez cela à l'exonération d'impôt sur la plus-value immobilière lorsqu'il s'agit de la résidence principale. Il parait que quand l'immobilier va, tout va. Je ne suis pas sûr. 

lundi 26 décembre 2022

TikTok : le poison à retardement de la Chine

 Il y a quelques jours est paru sur le site du Figaro un article très intéressant qui a pointé du doigt ce que les sites dits "conspirationnistes" ont mis en avant depuis longtemps, à savoir que la Chine utilise TikTok comme une arme de guerre. 

Image Copyright Christoph Scholz 

Pour commencer, il faut bien prendre conscience que cette entrée en guerre furtive de la Chine contre les USA remonte à la première guerre du Golfe, c'est à dire il y a plus de 30 ans, et a pour objectif de retrouver la place de première puissance économique de la planète. 

Pour répondre à ceux qui s'étonneraient de ne pas avoir vu de char chinois sur l'avenue des Champs Elysées, je conseillerais pour commencer de lire ou relire Sun Tzu : "le bon général a gagné la bataille avant de l'engager". 
Le livre "L'art de la guerre" est bourré de citations de ce genre, qui impliquent que, en particulier du point de vue chinois, faire la guerre ce n'est pas seulement attaquer militairement.

Sur le site du Figaro donc, Vincent Jolly relate comment la Chine protège ses enfants et rend les nôtres débiles
Sur CBS, Tristan Harris, un ancien cadre de chez Google commente les différences entre les versions locales (en Chine) et la version internationale. Sur la version locale, il y des expériences scientifiques, des visites de musées, des vidéos patriotiques,... 
L'utilisation de TikTok en Chine est par ailleurs restreinte à 40 minutes par jour.  

J'ai fait il y a quelques temps l'expérience de TikTok en France sur le smartphone d'un jeune, et c'est encore pire que ce que je craignais. C'est à la fois d'une bêtise crasse absolue, d'un intérêt nullissime, tout en étant extrêmement bien conçu et ludique, ce qui déclenche l'addiction. Mais surtout les scénettes s'enchainent, sans aucun lien les uns avec les autres, ce qui maintient le cerveau en excitation permanente et empêche le développement d'une attention soutenue, préalable à l'accomplissement de grands travaux. 

Le développement de Tiktok a été exceptionnel, bien davantage que ceux de Facebook et de Snapchat qui étaient eux-mêmes incroyablement rapides. Je ne m'en suis rendu compte qu'en 2020 ou bien 2021. Evidemment, le confinement a dû favoriser cette émergence. 

A mon sens, l'auteur de l'article se trompe quand il parle de régulation. Il faut reconnaitre le produit pour ce qu'il est : une arme de guerre furtive et l'interdire simplement. Et faire fi du lobbying qui ne manquera pas de se produire en réaction. Rappelons que Facebook et un grand nombre d'autres réseaux sociaux sont purement et simplement bannis de Chine, depuis leur origine. 

Les restrictions d'âge ne changeront rien non plus. Il est impératif d'en passer par un bannissement et de bien montrer qu'il s'agit d'une question de santé publique. Cela permettra de faire passer la pilule pour les libertariens, comme moi, qui n'apprécient guère que l'Etat s'immisce dans les affaires privées. 

L'article se conclut en évoquant, en termes voilés, de quelle manière TikTok pourrait être utilisé par le parti communiste chinois, au cas où la guerre froide entre les Etats-Unis et la Chine monte en température. Très clairement, grâce à TikTok, la capacité de la Chine en matière de "soft power" est en train de dépasser celle d'Hollywood. 

Si la dangerosité de la situation peut être analysé par le premier amateur, reste la grande question de savoir pourquoi les Etats-Unis ne sont pas davantage mobilisés dans la lutte contre ce "soft power" chinois. Cette simple question est pour moi un sujet d'étonnement, voire de sidération, depuis plusieurs années. 

Je pense que schématiquement, on pourrait diviser sur le sujet de la Chine, l'administration des Etats-Unis et plus globalement l'état profond américain en trois strates distinctes :

  1. La première strate ne se sent pas concernée par le conflit, soit parce qu'elle voit la Chine avant tout comme un concurrent commercial ou bien qu'elle a été "achetée" d'une manière ou d'une autre par des intérêts chinois. Je crois que d'une part, le pourcentage d'officiels qui rentrent dans ce décompte est sous-estimée et que d'autre part, les chinois font tout ce qu'ils peuvent, à des degrés divers pour entretenir et faire grossir cette catégorie. 
  2. Le deuxième ensemble est constituée d'officiels qui connaissent le péril Chinois mais le jugent très inférieur à celui de la Russie, ou bien considèrent qu'il faut d'abord régler le cas de la Russie avant de traiter le "problème Chinois". Dans cet ensemble on va bien sûr des retrouver des américains d'origine d'Europe de l'Est (Albright, Brzezinsky, Soros,...) Sauf que les actions entreprises depuis plus de 10 ans n'ont de cesse de renforcer les liens entre ces deux anciens frères ennemis. 
  3. La troisième partie, dont on peine aujourd'hui à mesurer la véritable importance a saisi la nature du challenge que revêt la Chine pour la prédominance américaine. Elle s'active notamment au travers des restrictions sur les semi-conducteurs et manifeste son soutien à l'indépendance de Taiwan. Mais sans une stratégie globale qui couvrirait absolument tous les secteurs, la lutte semble déjà inégale.

L'excellente surprise Sarah Knafo !

 Je démarre cette année 2025 avec un article dédiée à Sarah Knafo, l'excellente surprise de cette année 2024 qui s'est pourtant révé...