mardi 16 février 2021

The curious case of Donald John Trump

 

Cet article était quasiment prêt à être publié à la suite de l'élection de Novembre. Il est resté dans ma boite de "brouillons" et cela m'a permis de rajouter quelques petits détails structurels, sans rien changer sur le fond de l'analyse.


J'ai caressé pendant quelques instants l'espoir fou d'essayer de faire comprendre à tous ceux qui ont voté contre Donald Trump, que l'homme avait quand même quelques qualités ... avant d'y renoncer. 

Pour eux, il est le diable incarné. 


Il y a des journalistes qui parlaient sur des chaînes publiques de la nécessité de faire un coup d'état voire de le tuer, même pas de l'emprisonner à vie...

Comment faire pour présenter une vue réaliste de la situation ?

Commençons par un petit exercice amusant : prenez quelques minutes de votre temps pour regarder cette interview de Trump par Oprah Winfrey en 1987. 


Voici le lien au cas où la vidéo est invisible : https://www.youtube.com/watch?v=SEPs17_AkTI
Si l'on en croit les commentaires, Oprah aurait conclu l'entretien en disant simplement : "I think you would be a great President" (je pense que vous feriez un bon président).

Et puis celle-ci, datant de 1998, dans laquelle il parle notamment des femmes en des termes plutôt flatteurs : 

Si la vidéo ne s'affiche pas, le lien est : https://www.youtube.com/watch?v=y4CqF4hjCGI

Enfin, si vous avez le temps, regardez cette interview de 6 minutes sur CNN (!) au cours de laquelle, Trump annonce que s'il se lançait, il choisirait Oprah Winfrey comme vice-présidente.

Le lien est ici : https://www.youtube.com/watch?v=bc90K7Kieek

Que constatez-vous ?

D'abord, que Trump n'a pas tellement changé au fil des années. L'essence du personnage Trump que l'on retrouve pendant toute sa présidence est déjà là, au moins en germe.

C'est une chose que ses partisans apprécient, figurez-vous ! La constance en politique, c'est rare ! Cela vaut de l'or ! ( bientôt je serai obligé d'écrire  : "cela vaut du Bitcoin"). 

Ensuite, c'est rafraichissant de voir des interviews qui se passent bien, au cours desquelles on le laisse s'exprimer, il reçoit des applaudissements, y compris de la part d'une audience plutôt catégorisée à gauche. J'ai présenté la dernière interview pour que l'on se rende compte à quel point, cette chaîne a changé. 


Cela étant dit, que peut-on retenir du mandat de Trump ? 

Principalement, le fait qu'il a tenu ses engagements de campagne ! C'est énorme ! 

Qu'ils soient bons ou mauvais, ce type a tenu la grande majorité de ses engagements de campagne. 

La baisse des taxes, qu'elle soit une bonne ou une mauvaise chose était une promesse clairement établie...

Quitter l'accord de Paris a généré des réactions scandaleuses à travers le monde : mais c'était là aussi un engagement de campagne.

Même chose pour le fait de faire payer les autres pays membres de l'OTAN.

Il y a des promesses qui n'ont pas été complètement tenues, comme le fait de construire un mur à la frontière mexicaine ... ou la révocation de l'Obamacare. Mais quand on voit la quantité ahurissante d'entraves que lui ont fait subir ses adversaires, on peut se dire que le peu qu'il a pu accomplir est déjà énorme.

Il y a des tas d'exemples, mais il y en a que j'aime bien citer (bien que je le désapprouve fortement) : c'est la promesse du candidat de déplacer l'ambassade américaine à Jerusalem. 

Pourquoi est-ce que j'aime prendre cet exemple ? 

D'abord, parce que c'est une décision qui ne dépend que du président, donc il ne peut s'abriter derrière l'obstruction du congrès ou quoi que ce soit d'autre. 

Ensuite et surtout parce que c'était avant tout une décision du congrès américain en 1995, le "Jerusalem Embassy Act", et une promesse de campagne mise en avant successivement par Clinton, W. Bush et Obama. 

Bizarrement, aucun de ces présidents n'a tenu ses engagements. Après tout, les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent comme dirait Jacques, un très mauvais président, de par chez nous. 

Bon, le résultat a été très mauvais du point de vue du processus de paix avec les palestiniens. Mais la promesse a été tenue !


Excusez-moi d'insister, mais si vous regardez attentivement ces 4 dernières années : le président a tenu la majorité des promesses du candidat. 
Et quand il ne l'a pas fait, c'est parce qu'il a été bloqué par le Congrès ou par la pression populaire, le plus souvent par les deux. 

Est-ce pour cette raison que Donald Trump a reçu sur cette élection 2020, plus de votes que n'importe quel président en exercice de toute l'histoire des Etats-Unis ( oui, relisez la phrase, il n'y a pas d'erreur) ?

En France, je ne sais pas depuis combien de temps nous n'avons plus un président qui tienne ses engagements de campagne. Depuis Giscard au moins...

Passons à la soi-disant intelligence du personnage : j'entends plein de personnes qui pensent que Trump est un abruti dégénéré ! 

Soyons sérieux une seconde : Trump a gagné la désignation du camp républicain contre tous ses adversaires et ensuite, il a remporté les élections ayant pratiquement tous les acteurs, y compris la presse grand public et un grand nombre des barons du parti républicain contre lui. Est-ce qu'on peut comparer cela à la façon dont le petit W s'est emparé de la désignation en 2000 (un indice : regardez le nom de famille)

Trump est intelligent, cela ne fait aucun doute. Sauf dans un cas particulier, que nous verrons ci-dessous.

Et en plus, il a un instinct pour saisir les attentes de ses électeurs. C'est d'ailleurs ce qui lui a permis de remporter les élections de 2016.

Moi, je trouve que les défauts de Trump sont innombrables, mais il y a trois défauts majeurs, incompatibles, selon moi avec la fonction présidentielle, qu'il n'a pas.

  • Ce n'est pas un abruti : si vous voulez l'archétype du politicien bas de plafond, regardez Georges Bush (le fils, pas le père). Non seulement W est un crétin, mais il a un manque total de culture, et il n'a jamais eu à se battre pour développer une entreprise, comme Trump l'a fait.
  • Ce n'est pas un traitre : il y a des politiques qui sont des traîtres à leur pays. Et il y a une catégorie encore plus pernicieuse, celles des traîtres qui pensent être des patriotes. Et nous avons en France, cette engeance. Trump annonce "America First !" et il met en pratique, à sa façon.
  • Ce n'est pas un inconstant : au contraire ! Et grâce à Youtube, on peut vérifier qu'il développe le même discours depuis plus de 30 ans. On en a soupé des changements à 180°, du style Mitterrand (en 1983) ou Hollande (en 2014)

Par ailleurs, il y a un truc qui est incroyable, c'est quand on dit que Trump est un dangereux sexiste, vulgaire avec les femmes. Est-ce que vous êtes au courant des accusations qui pèsent sur Joe Biden ? 

Est-ce qu'il faut vous parler d'un ancien président des Etats-Unis répondant au doux prénom de Bill ?

On parle de la manière méprisable avec laquelle il traite son épouse Melania. Mais j'ai encore une fois envie d'insister : "Et Clinton, bordel !"


Maintenant, prenons l'angle opposé : examinons le cas de l'autre moitié de l'Amérique, c'est à dire de ceux qui pensent que Trump est le sauveur de l'Amérique, que tout ce qu'il a fait est bien, et surtout qu'il va revenir. 

Le pire était de lire les commentaires nombreux de ceux qui pensaient que Trump avait prévu le résultat des élections, mieux qu'il avait anticipé "la tricherie" pour prendre ses adversaires au piège, faire intervenir l'armée et rester 4 ans de plus à la Maison Blanche. 

Qu'a-t-on observé ? 

Trump s'est défendu avec hargne et maladresse. 

Quand il apparait qu'il avait définitivement perdu et que même ses soutiens indéfectibles s'étiolaient, qu'a-t-il fait ? Il a persévéré, s'aliénant encore un peu plus son propre camp. 

Un homme raisonnable aurait au moins, tricherie ou pas, eu la décence de reconnaitre que la situation n'était pas en sa faveur, et qu'il devrait au moins opérer un recul stratégique. 

Mais Trump n'est pas un homme raisonnable, et quand il s'agit de sa propre personne, il n'est pas non plus intelligent.

Trump s'est enfoncé en dénégations, n'a rien préparé, a même refusé d'aider son successeur, et tout cela a culminé avec l'épisode tragi-comique du Capitole, que ses adversaires ont bien évidemment monté en épingle. 

Le 07 Novembre 2020, quelques temps avant la pseudo-proclamation des résultats par CNN, voici ce que tweetait Trump, alors même qu'il était officiellement très en retard sur le nombre de Grands Electeurs : 

Pour le reste de la personnalité du personnage, on peut dire que Trump est un menteur, un égoïste, ...

Je pense que la plupart de ces reproches, sont malheureusement avérés.

Depuis ses débuts en tant que président et même candidat, la liste de ses tweets, insultant même son propre camp (par exemple, le sénateur Rand Paul) est ahurissante. 

En fait, soyons clairs : ce type n'est pas un politique. C'est avant tout un businessman et un showman 

Evidemment, il n'a aucun sens politique, et c'est ce que l'établissement lui reproche. 

Mais j'ai envie de dire : avec la carrière qu'il a eu derrière lui, est-ce qu'on s'attendait à ce que Donald Trump acquiert un quelconque sens politique à 70 ans ? 

Est-ce que l'on peut espérer que quelqu'un apprenne un nouveau métier pour lequel il n'est pas fait, aussi rapidement ?

Ce n'était pas réaliste.

C'est également une des raisons de son succès : en 2016, instinctivement, les électeurs américains souhaitaient un candidat qui ne soit pas issu du sérail politique. Et ce, après des dizaines d'années de déception des deux bords. 

La même situation peut être observée en France : nous sommes tous à la recherche d'un candidat qui ne soit pas un politique. 
En France, instruits par l'exemple, certains recherchent un militaire et penchent pour le Général Pierre de Villiers (pas moi !) 
D'autres en pincent pour Zemmour, ou Charles Gave ou Michel Onfray. 
Il y a clairement l'envie d'élire quelqu'un qui ne soit pas un politique pur jus, et cela a pu jouer aussi un peu pour l'élection de Macron.

Au autre des reproches que l'on peut lui faire, et qui, paradoxalement n'est que peu évoqué, c'est que Trump se veut l'avocat des laissés pour compte et même des "anti-systèmes", alors qu'il est justement lui même et tout son clan, au coeur du système, et l'un des principaux bénéficiaires de ses largesses. 
Cela reste incroyable de voir à quel point les gens qui se sentent délaissés par les pouvoirs en place lui font confiance... Mais évidemment, cela est dû au fait qu'il est lui-même rejeté par tout ce qui symbolise ce système (la presse, le "show business", ...)
En ce sens, la détestation qu'il inspire auprès d'une partie du peuple américain est la garantie de son attractivité auprès d'une autre partie de ce même peuple.

Aujourd'hui Trump est sorti du bureau oval, il vient d'être acquitté de son procès en destitution et ses partisans espèrent déjà qu'il reviendra. 
Pour ma part, j'éspère qu'il va quitter le jeu politique une bonne fois pour toutes et que les conservateurs trouveront quelqu'un pour le remplacer, à la hauteur du poste.  

En résumé, Trump a énormément de défauts, dont certains qui lui sont reprochés exclusivement, alors qu'ils sont pardonnés à ses adversaires. 

Il ne fait pas partie du troupeau politique : c'est sa force et aussi l'une de ses grandes faiblesses. 

A mon avis, Trump est désormais mort politiquement en tant que candidat, et c'est une bonne chose, même s'il lui reste peut-être le rôle de "faiseur de rois".

Mais ses idées, son électorat, la "déglobalisation" qu'il a engagé, tout ce que certains appellent le "trumpisme", vivra. Et cela aussi, c'est encourageant. 


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