A l’heure où le marché boursier subit une baisse significative, où le marché obligatoire connait une véritable déroute et où le marché des cryptos descend en enfer, il me semble intéressant d’attirer l’attention du lecteur sur une société qui représente, à mon avis, une excellente opportunité d’investissement de cours, moyen et long terme. Cette société n’est autre que le leader mondial du marché des semiconducteurs, Intel Corporation.
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles l’investissement
dans Intel est en ce moment même une belle opportunité, et nous allons les
détailler ci-dessous.
Lorsqu’on examine l’investissement dans une entreprise, la
plupart des recommandations à l’achat ou à la vente démarrent par une analyse
graphique. Ce ne sera pas mon propos. Je m’intéresse davantage à l’analyse
fondamentale. Quels seront les facteurs considérés ?
Nous allons regarder :
- La barrière à
l’entrée : ce qui protège Intel de la concurrence
- L’équipe dirigeante et en
premier lieu, bien entendu le CEO
- Les technologies et les
axes de développement d’Intel
- Les éléments de
valorisation actuels ( chiffre d’affaires, EBITDA, PER,…)
- L’évolution du cours ces
dernières années
- La politique de dividende,
très régulière
- Les aspects géopolitiques
qui sont à moyen et longs terme, très favorables à Intel
Barrière à l’entrée
Commençons par un facteur essentiel : lorsqu’on
investit dans une entreprise, on ne souhaite pas que celle-ci se fasse doubler
par la concurrence (Yahoo !; Altavista, Hotbots,…) ou que les technologies
qu’elle propose deviennent obsolètes.
De ce point de vue, Intel officie dans le secteur avec, à
mon avis, la plus gigantesque barrière à l’entrée au monde. Les
investissements sont tellement énormes dans la course à la miniaturisation que
seuls Intel et Samsung peuvent suivre la course effrénée menée pour l’instant
par TSMC.
Par exemple, rien que pour l’Europe, Intel a annoncé un plan d’investissement de 80 milliards sur
10 ans.
Ce n’est pas pour rien que Rob Larson sur le site
Jacobin.com (repris en français par le site Les Crises) a parlé d’un oligopole dangereux.
Intel est pour l’année 2021 par ailleurs à la 6ème
place de l’IFI Claims Patent Services qui publie notamment le TOP 250 des entreprises ayant déposé
des brevets, loin devant AMD, Microsoft, Amazon et toutefois
derrière TSMC et Samsung.
Dirigeant
En Janvier 2021, Pat Gelsinger a succédé au terne Bob Swan.
Un ingénieur technique qui succède à un financier : ce
point est fondamental. Intel est une entreprise de high-tech et a besoin d’un
vrai technicien. Microsoft a connu son heure de gloire avec Bill Gates, Google
a démarré avec Sergey Brin et Larry Page, etc…
Et Pat
Gelsinger n’est pas n’importe qui : il
s’agit de l’architecte en chef du processeur X486, qui doit éveiller quelques
souvenirs pour les plus anciens parmi nous.
Son mantra, « Intel is back » n’est pas une parole
en l’air, comme nous allons le voir ci-dessous.
En 1 an et demi, Pat Gelsinger a effectivement annoncé une
série d’investissements significatifs, souvent contre l’avis de Wall Street et
ces annonces ont été des facteurs déterminants, à mon sens, dans la baisse du
titre.
Technologies
Dans son cœur de métier, la production de puces pour les PCs
de bureau et les serveurs, Intel a fait dès le mois d’Août de l’année dernière,
une série d’annonces sur la douzième
génération de processeurs Core.
Ces annonces ont permis à Intel de rattraper son retard sur la concurrence,
sauf pour ce qui est de la finesse de gravure par rapport à AMD.
La 13ème génération est déjà attendue pour le deuxième semestre
2022.
La conférence annuelle « Intel Investor Day » permet d’identifier les technologies et axes de
recherche qui constitueront les relais de croissance de demain.
Dans cette conférence, Intel indique être en avance sur son planning de finesse de gravure.
Ce point a d’ailleurs été renforcé par une annonce d’Avril
2022, selon laquelle l’ère Angström démarrera au second semestre 2024, soit 6 mois plus tôt
que prévu. Cette ère annoncée par Intel devrait lui permettre de récupérer sa
couronne de fondeur ayant la gravure la plus fine. On rappelle qu’un Angström
fait 10-10 mètres ou encore 0,1 nm. Dans la réalité, les premiers
processeurs de l’ère Angström seront gravés à 1,8 nm (soit 18 Angström).
Pour rassurer les investisseurs de long terme, Intel précise
aussi ses domaines de recherche à l’occasion d’une conférence également
annuelle, intitulée « Intel Vision Day ». La dernière s’est tenue les 10 et 11 Mai 2022
et elle a permis de clarifier les points suivants :
Ø
La création d’un nouveau processeur mobile
ultra-puissant, le Core-HX, preuve s’il en est qu’Intel n’a pas abandonné le
créneau des processeurs pour les équipements mobiles (principalement les
ordinateurs portables).
Ø
Le lancement d’une nouvelle catégorie de
processeurs dédiée à l’optimisation des centres de données : les IPU (Infrastructure Processing Unit).
Ø
La mise en production prochaine d’une nouvelle
génération d’Intel Xeon, les Sapphire Rapids.
Ø
Une infrastructure complète logicielle et
matérielle, appelée Gaudi 2, spécialement
optimisée pour l’IA et les processus de « deep learning ».
Ø
Une plateforme complète de TaaS ( « Trust
As A Service ») permettant aux entreprises de certifier les processus
s’exécutant sur une plateforme à distance, tout en conservant à distance les
clés de chiffrement. Chez Intel, cette initiative porte le nom de projet Amber. Gageons
que cette offre connaitra un succès certain auprès d’un certain nombre
d’agences gouvernementales.
On le voit, Intel est à la pointe sur de très nombreux
fronts et la finesse de gravure n’est qu’un seul aspect de ses efforts de
recherche et développement.
Mais Intel, c’est aussi une position de leader sur le marché
émergent des puces neuromorphiques, avec la sortie de la puce Loihi 2, qui
mime le comportement d’un réseau neuronal. Sur ce sujet, très stratégique pour le futur,
Intel fait pratiquement jeu égal avec IBM.
Enfin Intel, c’est surtout une politique d’acquisition très
intelligente, en particulier MobilEye, qui est à mon avis l’entreprise la plus
avancée dans les solutions permettant de démocratiser la conduite autonome. Plus
de 50 millions de véhicules utilisent déjà ses produits. Sa puce, la EyeQ Ultra
permettra en principe une vraie conduite
autonome de niveau 4, à partir de 2025.
Intel a entamé les démarches
pour introduire en Bourse ce très beau fleuron d’ingénierie, dont il gardera la
majorité du capital.
Valorisation
La valorisation actuelle, s’agissant d’un leader mondial est
troublante pour dire le moins. Si l’on reporte les données issues du site
YCHARTS, on observe une valeur d’entreprise sensiblement égale à la
capitalisation boursière.
Les ventes se maintiennent à un plus haut, bien que les nouvelles mesures du PDG n’aient pas encore porté leurs fruits :
LE PER (Price Earning Ratio) est parmi les plus bas sur les
5 ans écoulés. A environ 6,2 fois les résultats de l’année en cours, il ne
reflète pas la valorisation d’un leader mondial.
Selon le site MacroTrends, celui-ci est même à un plus bas de 13 ans :
La marge nette s’établit à 31,68%, le plus bas de ces 10 dernières années (toujours selon le site macrotrends.net) :
Le ratio Valeur d’Entreprise (VE) sur EBITDA, indicateur plus apprécié des professionnels est également très intéressant, notamment par rapport à la concurrence, selon le site Finbox :
Le site GuruFocus annonce des ratios encore plus
intéressants :
Evolution du cours
En dépit de la stratégie technique décrite plus haut, l’évolution
du cours de bourse reste décevante sur ces 5 dernières années :
Dividendes
Intel délivre un dividende trimestriel sans interruption
depuis des dizaines d’années, même pendant la grande crise financière de
2008-2009.
Ce dividende est soit stable, soit en augmentation. Il n’a
jamais diminué, si l’on fait bien sûr exception des périodes de fractionnement
d’actions (« stock split »).
L’historique des dividendes est présenté en suivant ce lien.
Le graphique de l’évolution du dividende depuis 1994 sur
le site de Macrotrends est encore plus clair : le
dividende n’a jamais connu de réduction importante.
L’argument national
Intel est, ne l’oublions pas, le seul fondeur réellement
américain avec Texas Instruments. TSMC est comme ses initiales l’indiquent basé
à Taiwan et Samsung est coréen.
Les autres ( AMD, Qualcomm, Nvidia,…) ne sont pas fondeurs,
c’est-à-dire qu’ils ne possèdent pas les usines incroyablement sophistiquées
qui permettent de fabriquer les puces. On dit qu’ils sont
« fabless ».
Qu’on le souhaite ou non, Intel fait partie de la guerre que l’état profond américain a lancé contre la Chine
qui ne fait pas mystère de ses ambitions de reprendre Taiwan, avec toutes les
conséquences que cela aurait sur le marché mondial des semiconducteurs. Même si
cet état de fait constitue un risque financier à court et moyen terme, il est
aussi facteur de soutien à plus long terme.
Le « Chips Act » est un aspect concret de
cette préférence nationale : le congrès américain a récemment voté pour débloquer un package global de 52
milliards afin d’aider les entreprises fabricants de semiconducteurs à
implanter ou réimplanter leurs usines aux Etats-Unis.
C’est ce qui a conduit Intel à décider la création de deux usines
ultra-modernes dans l’Ohio pour un montant de près de 20 milliards de dollars
et très récemment, à en délayer l’inauguration
dans le but de forcer le Congrès à tenir ses
engagements.
En Europe, le programme équivalent, « European Chips
Act » permettra à Intel de toucher 6,8
milliards d’euros.
Il y a d’autres facteurs favorisant Intel, comme le fait que
cette dernière n’est presque pas orientée vers la fournitures de solutions de
minage à l’attention des cryptomonnaies à preuve de travail (« Proof Of
Work ») contrairement à AMD et Nvidia : avec la poursuite probable de
la chute de valorisation des cryptomonnaies, une baisse des ventes des
solutions de minage est à prévoir.
Pour les investisseurs évoluant en zone Euro, parier sur
Intel est également un pari sur le dollar et il y a de fortes chances que
celui-ci continue de s’apprécier par rapport à la monnaie de la BCE. A cet
égard, le pari est tout à fait approprié.
En conclusion, ce n’est pas souvent qu’un leader mondial se
trouve malmené à ce point, en particulier sur un secteur aussi essentiel que
celui des semiconducteurs, qui sous-tend toute l’industrie de l’informatique.
Retenons toutefois qu'il est probable que le secteur des semiconducteurs soit amené à connaitre un ralentissement conséquent, qui ferait logiquement suite à des années de vaches grasses ayant amené à des surinvestissements. IDC prévoit une baisse des ventes dès 2023, dès que la pénurie de composants se sera apaisée.
Ma conviction sur le long terme, en dépit des turbulences à
venir, est un achat fort.
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