Note au lecteur : mon titre original pour cet article était : "la lente agonie d'un abruti".
Comme quoi, je ne suis pas si téméraire que cela.
L'actualité autour du groupe Lagardère est importante, presque bouillonnante. Il y a beaucoup à dire.
Un bref rappel du personnage : Arnaud est donc le fils unique de Jean-Luc, l'emblématique patron qui parti de pas grand chose à su construire un empire extrêmement hétéroclite, articulé en particulier autour de l'aéronautique (au travers d'EADS) et des médias (au travers d'Hachette). La partie médias ne s'est pas construite sans mal, et en particulier à souffert de plusieurs échecs parfois retentissants.
Particularité de l'empire Lagardère : il est contrôlé en commandite, car Jean-Luc n'est pas un milliardaire.
En Mars 2003, Jean-Luc Lagardère décède brutalement des suites d'une encéphalomyélite aïgue, une maladie assez rare.
Les rênes du groupe Lagardère sont donc confiés à son fils, suivant la volonté du fondateur.
Jusque là, tout va plutôt bien malgré des hauts relativement hauts et des bas très très bas, dangereusement près du sol.
Là où cela se corse, c'est que le fiston a plutôt très très mal géré la société, et uniquement dans le sens du rétrécissement de la taille du groupe.
Entre 2003 et 2007, Arnaud Lagardère a décidé d'endetter très fortement sa holding personnelle, Lagardère Capital & Management pour passer de 5 à 10% du groupe qu'il contrôlait de toute façon au niveau opérationnel, via son statut de commandité.
Sur le plan stratégique, quel est l'intérêt de passer de 5 à 10% qui n'est pas un niveau permettant de contrôler effectivement le groupe ?
Aucun. On peut comprendre que le fiston croit en son groupe et souhaite se renforcer, mais dans ce cas-là, autant attendre une baisse significative du marché actions, ce qui ne s'est pas du tout produit entre 2003 et 2007 (tout le contraire) et ne pas s'endetter au-delà du raisonnable, ce qui fait qu'aujourd'hui, toutes ses actions sont nanties auprès des banques.
Lagardère est quasiment "obligé" de se verser un dividende au-delà du raisonnable, ce qui obère fortement les perspectives de développement du groupe qu'il dirige.
Cette année 2020, avec des pertes qui s'annoncent record (rappelons qu'une grande partie de l'activité s'effectue dans les aéroports, au travers de Lagardère Travel Retail Group) est la première où le groupe a renoncé au versement du dividende. Et encore ! Ce n'est que sous la pression du fonds activiste, Amber Capital et de son patron, Joseph Oughourlian et sous la menace de se voir enlever le statut de commandité.
Entre 2003 et 2019 (avant donc la crise du Covid-19), la capitalisation du groupe a fondu de plus d'un tiers, quand dans le même temps, la valorisation de l'indice CAC40 faisait plus que doubler.
Le chiffre d'affaire est passé de 12 milliards à 7 milliards.
Le groupe qui possédait un ensemble immobilier florissant s'est délesté de l'essentiel avec plus de 600 millions d'euros de vente.
Les investissements se sont tous ou presque révélés désastreux.
Tous les sites Web acquis au début des années 2010 à des valorisations souvent excessives ont été revendus, majoritairement à perte, à des sociétés, comme TF1 (Doctissimo), le groupe Les Echos ( Boursier.com) ...
Le pole TV, plutôt rentable, avec des marques fortes, telles que Gulli a été revendu à M6 Group.
Lagardère Sport, que le fiston avait lancé pour se démarquer de son papa, a été revendu à HIG Capital : la perte est évaluée à environ 1,1 milliard d'euros sur une quinzaine d'années.
Depuis plus de 15 ans, en dépit de multiples plans de relances et l'implication personnelle du patron aux manettes, la radio Europe1 connait une érosion d'audience continue...
Source : BFMTV du 18 Avril 2019
On pourrait multiplier les exemples. La liste est longue des erreurs commises sous l'entière responsabilité de Monsieur L.
Après tout, je n'ai pas spécialement envie de critiquer les investissements hasardeux et les dégagements au plus mauvais timing. Il est très facile de critiquer avec un regard clair sur le rétroviseur.
Le problème, c'est l'homme...
Ce n'est pas que je sois jaloux de ses relations ou de sa belle épouse, la délicieuse Jade Forêt (30 ans de moins et 30 cm de plus que lui) ...
C'est que je pressens, et ce depuis plusieurs années, que l'histoire du groupe Lagardère sera bientôt celle d'un immense gachis ... et qu'il ne sera pas nécessaire d'attendre la troisième génération pour aboutir au démantèlement pièce à pièce de ce qui fut autrefois un groupe audacieux (*)
Non seulement, Arnaud Lagardère fait des mauvaises décisions, s'endette à tort et à travers, ... mais surtout, il ne travaille pas, il n'a aucune constance, aucun sens du management. Et c'est principalement ce que je lui reproche.
Bien entendu, on trouvera des voix pour dire le contraire et même des plumes pour l'écrire.
Il n'en reste pas moins que la désaffection d'Arnaud Lagardère pour le travail est un fait avéré : même la page Wikipedia du bonhomme est obligé d'en parler pour expliquer la catastrophe commerciale que représente Lagardère Sport, avec bien entendu les pudeurs habituels d'un site qui cherche en principe à garder une certaine neutralité.
Ok, donc A.L. est un fainéant, et quelque part on peut presque le comprendre ... Mais alors si le business ne l'intéresse pas, pourquoi cherche-t-il tant à garder son statut de manager ?
Le type sait qu'il est un mauvais manager, mais plutôt que de passer la main à un quelqu'un de compétent ou de chercher à compenser son manque de talent par une force de travail, il préfère faire croire qu'il a les épaules.... avec le résultat que l'on observe.
Je ne serai jamais actionnaire de Lagardère dans ces conditions.
Avez-vous vu les vidéos où Arnaud se met en scène avec son épouse ?
C'est impressionnant de mièvrerie, le fiston se qualifie lui-même d'imbécile ... C'est vous dire. Franchement, cela fait honte de voir un manager d'une entreprise, quelle que soit sa taille, se mettre en avant ainsi. Arnaud Lagardère a eu tellement honte de ce documentaire qu'il en a fait acheter les droits pour la France, afin de les mettre au placard.
Source : Gala.fr du 15 Janvier 2020
Cet article de Libération, un canard que je ne porte pas spécialement dans mon coeur, est encore plus assassin : selon l'une des sources, "Arnaud Lagardère aurait fait un très bon vendeur de cravates, s'il n'était pas né héritier".
L'un des pans majeurs de l'activité étant en lien avec l'activité dans les aéroports, il est facile d'imaginer comment le chiffre d'affaires va évoluer pour l'année en cours. C'est incroyable de bêtise de presque tout focaliser sur une seule activité comme cela, quand on est autant diversifié au départ.
Quoi qu'il en soit, il est à peu près clair pour tout le monde que l'empire Lagardère est en voie de déliquescence.
C'est d'ailleurs précisément ce que lui reproche Amber Capital : de procéder à une liquidation désordonnée du groupe. Et les arguments du fonds d'investissement sont imparables. Lisez cet article de Libération (encore !) pour vous en convaincre.
On rentre maintenant dans le sujet de fonds de cet article, la véritable raison d'être de ce texte : le capitalisme de connivence ("crony capitalism") à la française !
Menacé, avec des arguments tout à fait légitimes par Amber Capital, vers qui Lagardère s'est-il tourné pour sa protection ? Nicolas Sarkozy.
Nicolas Sarkozy, qu'il appelle son "frère" pour lequel il a fait beaucoup pour assurer son élection en 2007 a gardé de très bons liens avec le Qatar (et on sait pourquoi !!!), actionnaire de référence du groupe depuis Jean-Luc Lagardère.
L'AG du groupe a eu lieu ce 5 Mai 2020 : selon tous les standards en vigueur, elle n'était pas aux normes de ce qui se fait pour une assemblée : actionnaires réduits au silence, propos désobligeants, critique contre Colette Neuville,...
Avant cela, il y a eu les rumeurs de prise de participation de l'annonce de la prise de participation de Vivendi (Vincent Bolloré) pour remonter un cours de bourse qui faisait vraiment désordre à quelques jours de l'AG et qui aurait sûrement poussé le vote des petits porteurs du côté d'Amber.
Les rumeurs ont permis en cette fin d'Avril de faire remonter le cours. Et la prise de participation par Vivendi a consolidé l'ensemble autour de 14 Euros.
Mon avis : tout cela a été orchestré par le capitalisme de connivence bien connu en France et qui fait que des société de grande taille ne peuvent plus éclore en France, à l'exception notable d'Iliad.
Nicolas Sarkozy en s'impliquant, renvoie l'ascenseur à celui qui l'a aidé dans son élection, et en profite également pour facturer de juteux frais d'avocats.
Quant à Vivendi, donc Vincent Bolloré, je ne serais pas aussi ravi que cela de l'avoir à mon capital, si j'étais Lagardère.
Bolloré est connu pour ne pas être un enfant de choeur. Les sociétés Bouygues et la banque Rivaud s'en souviennent encore...
Je crois que tous ces gens-là se préparent à récupérer les meilleurs morceaux dans le cadre d'une mise en vente à la découpe du groupe, qui aura probablement lieu d'ici quelques années...
On a en résumé, selon moi, tous les ingrédients d'un désastre à venir :
- Un héritier paresseux mais qui ne veut pas l'admettre et qui ne veut pas déléguer l'opérationnel
- Une stratégie erratique, ou plutôt une absence de stratégie qui coûte très cher.
- Une vente progressive par appartements pour payer les charges issues de l'endettement personnel.
Pourtant, Arnaud Lagardère ne percevra sans doute pas grand chose, peut-être une dizaine de millions d'euros, car son endettement dépasse la valeur de sa participation dans le groupe qui porte son nom.
Mon opinion d'Arnaud Lagardère est donc terrible, on l'a compris, mais en matière de massacre d'entreprise, il y a bien pire, et de loin : Serge Tchuruk, le destructeur d'Alcatel.
Alors lui, je ne lui consacrerai pas un article, car je serais bien trop agressif et surtout sans pitié pour un type responsable, pratiquement à lui seul de la descente aux enfers d'un des fleurons tricolores.
(*) Pour plus de détails sur la loi des 3 générations, vous pouvez consulter ce lien.
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